LE TEMPS LONG Y EL JALEO ( LE JOYEUX BORDEL )
Comme tous les peintres, Miguel Escrihuela laisse parler sa sensibilité à travers la couleur, la lumière, la forme, la matière. Ses tableaux sont comme autant de
processus avant d’être des produits pensés, réfléchis, repensés, finalisés. Seul le temps valide la réalisation finale digne d’être exposée ; en amont, les études ont su préserver la
spontanéité, les expérimentations, les traitements constructifs.
Chacune de ses toiles devient vivante en dehors du temps.
Avec l’importance de la place de l’écologie dans notre société, peindre l’environnement devient pour Miguel Escrihuela une préoccupation au quotidien. Son intention
nourrit sa créativité et le tient éveillé aux marques du quotidien, de l’anecdote qui fait sourire au drame qui fait pleurer.
Tous les médiums sont utilisés : photographie, télévision, cinéma, journaux, imprimés, tous types de support font l’expérience.
Aujourd’hui à 58 ans, Miguel Escrihuela aborde simultanément deux thématiques principales comme un flamenquiste de la peinture : « Suerté » (la chance) et
« Jaléo » (le joyeux bordel).
Le premier champ d’investigation « Suerté » pour sa peinture actuelle repose sur le constat réflexif du passage d’un siècle à l’autre, plastiquement riche
et expérimental, nihiliste et conceptuel. Pour Miguel Escrihuela, la chance est d’aboutir à peindre un éternel présent, de réaliser une description des liaisons délicates des temporalité
multiples : passé, présent, futur pour une société en accélération.
Le swing des images, le tweet des émotions, l’instantanéité des situations se chassent, se pourchassent, se remplacent, dans ce monde où la création d’images se
veut « œuvres étrangères ». Miguel Escrihuela n’aime pas les pièces dépersonnalisées. Lui, il signe ses œuvres.
Le second champ d’investigation, « Jaléo » apparaît dans sa peinture comme une gaité de vivre dans « ce joyeux bordel ». Ses productions
artistiques révèlent des formes et des couleurs qui s’inscrivent dans une forte tradition latine et associent une douce moquerie, une légère caricature de ses contemporains, une distance critique
qui lui est indispensable pour contrecarrer les « clichés » des anonymes.
C’est dans cette dynamique, que Miguel Escrihuela nous invite à partager devant ses toiles nos émotions, nos sentiments, nos sensations. C’est sa manière à lui de
rendre visible l’invisible, de dire l’indicible. C’est sa manière à lui de se fondre méthodiquement dans les perspectives nouvelles tout en gardant en mémoire la phrase de Paul Klee : « L’art ne
reproduit pas le visible, il rend visible ».
Charles Calamel