"SENSATIONS"
Miguel Escrihuela croit aux signes et reste tout entier sollicité par un désir de hauteur, de sensations pures. Le peintre a connu des détours, des traverses, des alternances, l'ordre rompu puis recomposé.
Aujourd'hui à la lisière des apparences subtiles, vastes et instables, il s'en remet à l'intangible: l'âme,
le « double élément mâle et femelle », la nature des choses, l'ordre des sens.
Calme et ferveur: le regard se pose, scrute le monde, la nature, l'onirique, l'urbain, une seule et même source. La main du peintre va dans le
soulèvement de sa propre force et fait apparaître des espaces multipliés de chaos lumineux, de nuées ouvertes au plus vaste, des clartés palpables possédées par l'afflux des histoires, le règne
secret des nids fécondants et des métamorphoses.
Ne vous trompez pas, aucune répétition, aucune représentation. Simplement un retour à la beauté classique. « La peinture montre hors du temps des vivants ». Miguel Escrihuela s'affranchit des limites du temps et de l'espace et sort du processus d'aliénation de la modernité, c'est à dire du « faire ».
L' originalité ne fait pas la nouveauté. Il s'éloigne du facile et cherche à reprendre spirituellement racine dans le monde, entraîné par le scintillement de sa palette, guidé par la clameur d'un temps brisé, d'un infini émietté. Rien ne peut tarir son gisement créatif.Désir, attente et sensations: l'imaginaire regagne son unique patrie tracée sur l'argile des mouvements contraires, alliés accomplisseurs d'oublis et de mémoire, le subtil poudroiement des blancs, les vapeurs aurorales, les nébuleuses colorées, les arbres porteurs de naissance, la vibration évanescente des villes aux espaces sans âge, le monde.
Un monde contenant son au-delà à portée des yeux, à portée de main. Un monde patient et généreux, un monde où l'être humain d aujourd'hui à peur de vivre.
La fécondité de la terre, l'énigme de l'eau, le cycle des puissances. Une part d'éternité.
Jacques Dubouchet 2010